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Callimaque, Hymne V, vers 43-142

Callimaque, Hymne V, vers 43-142




œxiq', 'Aqana…a persšptoli, cruseop»lhx,

Viens à nous, Athéna destructrice de villes, déesse au casque d’or,


ppwn kaˆ sakšwn ¡domšna pat£gJ.

toi qui prends plaisir au fracas des chevaux et des boucliers.


s£meron, ØdrofÒroi, m¾ b£ptetes£meron, ”Argoj,

En ce jour, porteuses d’eau, n’allez pas puiser au fleuve ; en ce jour, Argos,


p…net' ¢pÕ kran©n mhd' ¢pÕ tî potamî·

que l’on boive aux sources, et non au fleuve !


s£meron aƒ dîlai t¦j k£lpidaj À 'j Fus£deian

en ce jour, servantes, portez vos aiguières à la source Physadia


À ™j 'Amumènan o‡sete t¦n Danaî.

ou bien à la source Amymônê, fille de Danaos.


kaˆ g¦r d¾ crusù te kaˆ ¥nqesin Ûdata me…xaj

En effet, mêlant l’or et les fleurs dans ses eaux,


¹xe‹ forba…wn ”Inacoj ™x Ñršwn

l’Inachos descend des collines vers les pâturages


t¢q£nv tÕ loetrÕn ¥gwn kalÒn. ¢ll£, Pelasgš,

pour porter ses belles eaux au bain d’Athéna. Mais, Pélasge,

fr£zeo m¾ oÙk ™qšlwn t¦n bas…leian ‡dVj.

garde-toi bien de voir la Déesse Reine, même contre ton gré.


Ój ken ‡dV gumn¦n t¦n Pall£da t¦n polioàcon,

Qui verra nue Pallas, protectrice de la cité,


tðrgoj ™soye‹tai toàto panust£tion.

contemplera Argos pour la dernière fois.


pÒtni' 'Aqana…a, sÝ mn œxiqi· mšsfa d' ™gè ti

Athéna, Souveraine, viens à nous ; pendant ce temps,


ta‹sd' ™ršw· màqoj d' oÙk ™mÒj, ¢ll' ˜tšrwn.

à ces filles je ferai mon récit ; l’histoire n’est pas mienne, mais appartient à d’autres.


pa‹dej, 'Aqana…a nÚmfan m…an œn poka Q»baij

Filles, Athéna avait jadis à Thèbes parmi ses compagnes

poulÚ ti kaˆ pšri d¾ f…lato t©n ˜tar©n,

une nymphe qu’elle aimait plus que toutes les autres,


matšra Teires…ao, kaˆ oÜpoka cwrˆj œgento·

la mère de Tirésias, et jamais elle ne se séparait d’elle.


60) ¢ll¦ kaˆ ¢rca…wn eât' ™pˆ Qespišwn

Qu’elle menât ses chevaux soit vers l’antique Thespies


63) À 'pˆ Korwne…aj, †na oƒ tequwmšnon ¥lsoj

ou bien vers Coronée, où se trouvent son bois consacré


64) kaˆ bwmoˆ potamù ke‹nt' ™pˆ Koural…J,

et ses autels, au bord de la rivière Couralion,

61) À 'pˆ Korwne…aj, À e„j `Al…arton ™laÚnoi

vers Coronée ou bien vers Haliarte,


62) †ppwj, Boiwtîn œrga diercomšna,

au travers des terres de Béotie,


65) poll£kij ¡ da…mwn nin ˜î ™peb£sato d…frw:1

souvent la déesse la faisait monter avec elle sur son char ;


oÙd' Ôaroi numf©n oÙdcorostas…ai

et ni les entretiens des nymphes ni les chœurs de leurs danses


¡de‹ai telšqeskon, Ók' oÙc ¡ge‹to Cariklè·

ne lui plaisaient, quand ce n’était pas Chariclô qui les menait.


¢ll' œti kaˆ t»nan d£krua pÒll' œmene,

Mais elle n’en devait pas moins verser de nombreuses larmes,


ka…per 'Aqana…v kataqÚmion œssan ˜ta…ran.

toute compagne chérie d’Athéna qu’elle fût.


d» poka g¦r pšplwn lusamšna perÒnaj

Un jour en effet, ayant dégrafé les attaches de leur péplos


ppw ™pˆ kr£nv `Elikwn…di kal¦ ·eo…sv

près de la source Hippocrène, sur l’Hélicon,


lînto· mesambrin¦ d' ec' Ôroj ¡suc…a.

elles se baignaient ; sur la colline c’était le calme du milieu de journée.


¢mfÒterai lèonto, mesambrinaˆ d' œsan ïrai,

Elles se baignaient toutes deux, c’était le milieu de la journée,


poll¦ d' ¡suc…a tÁno kate‹cen Ôroj.

et un grand calme s’était installé sur cette colline.


Teires…aj d' œti mînoj ¡m© kusˆn ¥rti gšneia

Tirésias justement, jeune homme à la barbe


perk£zwn ƒerÕn cîron ¢nestršfeto·

naissante, seul, avec ses chiens, se promenait en ce lieu sacré.


diy£saj d' ¥fatÒn ti potˆ ·Òon ½luqe kr£naj,

Pris d’une soif inextinguible, il s’approcha du cours de la source,


scštlioj· oÙk ™qšlwn d' ede t¦ m¾ qemit£.

l’infortuné ! Sans le vouloir il vit l’interdit / ce que la loi divine interdit / ce qu’on ne doit voir.


tÕn d colwsamšna per Ómwj prosšfasen 'Aq£na·

Irritée contre lui, Athéna lui adressa pourtant ces mots :


t…j se, tÕn Ñfqalmëj oÙkšt' ¢poisÒmenon,

« Toi qui d’ici n’emporteras pas tes yeux,


ð EÙhre…da, calep¦n ÐdÕn ¥gage da…mwn ;

ô fils d’Euérès, quel est donc le génie qui t’a conduit sur ce funeste chemin ? »


¡ mn œfa, paidÕj d' Ômmata nÝx œlaben.

Elle prononça ses paroles, et la nuit ravit les yeux du jeune homme.


˜st£qh d' ¥fqoggoj, ™kÒllasan g¦r ¢n‹ai

Il se tenait debout, sans voix : la douleur liait ses

gènata kaˆ fwn¦n œscen ¢mhcan…a.

genoux et il était incapable de parler.


¡ nÚmfa d' ™bÒase· ‘t… moi tÕn kîron œrexaj

La nymphe alors s’écria : «  Qu’as-tu donc fait de mon fils,


pÒtnia ; toiaàtai, da…monej, ™st f…lai ;

Souveraine ? Est-ce donc là, déesses, l’amour que vous nous portez ?


Ômmat£ moi tî paidÕj ¢fe…leo. tšknon ¥laste,

Tu m’as privée des yeux de mon enfant. Ô malheureux fils,


edej 'Aqana…aj st»qea kaˆ lagÒnaj,

tu as vu les seins et les flancs d’Athéna,


¢ll' oÙk ¢šlion p£lin Ôyeai. í ™m deil£n,

mais tu ne reverras plus le soleil. Ô infortunée que je suis,


í Ôroj, í `Elikën oÙkšti moi paritš,

ô colline, ô Hélicon auquel je n’aurai plus accès,


à meg£l' ¢nt' Ñl…gwn ™pr£xao· dÒrkaj Ñlšssaj

pour peu tu as pris beaucoup ! Pour avoir perdu quelques biches

kaˆ prÒkaj oÙ poll¦j f£ea paidÕj œceij.’

et quelques faons, tu gardes les yeux d’un enfant ».


¡ mn ¢mfotšraisi f…lon perˆ pa‹da labo‹sa

Et la mère, enlaçant de ses deux bras son fils chéri,

m£thr mn goer©n oton ¢hdon…dwn

exhalait la plainte gémissante du rossignol2,


«ge barÝ kla…oisa. qe¦ d' ™lšhsen ˜ta…ran

et versait de lourdes larmes. Mais la déesse Athéna prit sa compagne en pitié,


ka… nin 'Aqana…a prÕj tÒd' œlexen œpoj·

et elle lui adressa ces paroles :


d‹a gÚnai, met¦ p£nta baleà p£lin Óssa di' Ñrg£n

« Femme divine, retire tous ces propos que tu as lancés


epaj· ™gë d' oÜ toi tšknon œqhk' ¢laÒn.

par colère. Ce n’est pas moi qui ai rendu ton fils aveugle :


oÙ g¦r 'Aqana…v glukerÕn pšlei Ômmata pa…dwn

il ne pourrait être agréable à Athéna de ravir les yeux d’un


¡rp£zein· KrÒnioi d' ïde lšgonti nÒmoi·

adolescent. Ainsi le prescrivent les lois de Cronos :


Ój ke tin' ¢qan£twn, Óka m¾ qeÕj aÙtÕj ›lhtai,

qui verra l’un des immortels, sauf si le dieu lui-même y consent,

 

¢qr»sV, misqî toàton „de‹n meg£lw.

paiera cette vue d’un prix lourd.


d‹a gÚnai, tÕ mn oÙ palin£greton aâqi gšnoito

Femme divine, ce qui a été fait est désormais irrévocable,

œrgon, ™peˆ Moir©n ïd' ™pšnhse l…na,

puisque la Moire a filé ce sort,


¡n…ka tÕ pr©tÒn nin ™ge…nao· nàn d kom…zeu,

ce dès le jour où tu le mis au monde. Reçois donc aujourd’hui,


ð EÙhre…da, tšlqoj ÑfeilÒmenon.

ô fils d’Euérès, le lot qui t’est dû.


pÒssa mn ¡ Kadmhˆj ™j Ûsteron œmpura kause‹,

Combien de victimes la fille de Cadmos brûlera-t-elle, dans quelque temps,


pÒssa d' 'Arista‹oj, tÕn mÒnon eÙcÒmenoi

et combien en brûlera Aristée, pour voir aveugle


pa‹da, tÕn ¡bat¦n 'Akta…ona, tuflÕn „dšsqai.

leur fils unique, l’adolescent Actéon.


kaˆ tÁnoj meg£laj sÚndromoj 'Artšmidoj

Et pourtant, il sera compagnon de chasse de la grande


sse‹t¢ll' oÙk aÙtÕn Ó te drÒmoj a† t' ™n Ôressi

Artémis. Mais ni ses courses avec elle, ni d’avoir ensemble, dans la colline,


·useàntai xunaˆ t©moj ˜kabol…ai,

lancé les traits, rien ne le sauvera,


ÐppÒka koÙk ™qšlwn per ‡dV car…enta loetr£

le jour où il aura vu, sans le vouloir, la gracieuse déesse 


da…monoj· ¢ll' aÙtaˆ tÕn prˆn ¥nakta kÚnej

au bain ; de celui même qui fut leur maître, les chiens


tout£ki deipnhseànti· t¦ d' uƒšoj Ñstša m£thr

feront leur repas. Et la mère ira par les bois

lexe‹tai drumëj p£ntaj ™percomšna·

pour rassembler les os de son fils.


Ñlb…stan d' ™ršei se kaˆ eÙa…wna genšsqai

Elle dira que tu es fortunée et heureuse,


x Ñršwn ¢laÕn pa‹d' Øpodexamšnan.

toi à qui les collines ont rendu un fils aveugle.


ð ˜t£ra, tù m» ti minÚreo· tùde g¦r ¥lla

Chère amie, cesse de te plaindre pour lui ; car par amitié pour toi



teà c£rin ™x ™mšqen poll¦ meneànti gšra,

je lui réserve bien d’autres faveurs :


m£ntin ™peˆ qhsî nin ¢o…dimon ™ssomšnoisin,

je ferai de lui un devin qui sera chanté par la postérité,


à mšga tîn ¥llwn d» ti perissÒteron.

un devin plus remarquable qu’aucun autre.


gnwse‹tai d' Ôrnicaj, Öj a‡sioj o† te pštontai

Il connaîtra le vol des oiseaux, ceux qui sont favorables, ceux qui volent


½liqa kaˆ po…wn oÙk ¢gaqaˆ ptšrugej.

en vain, et aussi ceux dont le vol est funeste.


poll¦ d Boiwto‹si qeoprÒpa, poll¦ d K£dmJ

Il rendra de nombreux oracles aux Béotiens, beaucoup aussi à Cadmos,


crhse‹, kaˆ meg£loij Ûstera Labdak…daij.

et pour finir aux puissants Labdacides.


dwsî kaˆ mšga b£ktron, Ó oƒ pÒdaj ™j dšon ¢xe‹,

Je lui donnerai aussi un grand bâton, qui guidera ses pas selon ses besoins,


dwsî kaˆ biÒtw tšrma polucrÒnion,

et je lui donnerai une vie chargée d’ans3.


kaˆ mÒnoj, eâte q£nV, pepnumšnoj ™n nekÚessi

Et, quand il sera mort, seul parmi les défunts il conservera

foitase‹, meg£lJ t…mioj `Ages…lv.’

sa sagesse / sa science, honoré par le puissant Conducteur des peuples4 ».


ìj famšna katšneuse· tÕ d' ™ntelšj, ú k' ™pineÚsV

Ayant ainsi parlé, elle fit un signe d’assentiment : et ce à quoi consent Pallas,


Pall£j, ™peˆ mènv ZeÝj tÒ ge qugatšrwn

cela s’accomplit, puisque Zeus a accordé Athéna, et à elle seule parmi ses filles,


dîken 'Aqana…v patrèia p£nta fšresqai,

de bénéficier des pouvoirs paternels,


lwtrocÒoi, m£thr d' oÜtij œtikte qe£n,

ô servantes du bain ; nulle mère ne mit au monde la déesse,


¢ll¦ DiÕj koruf£. koruf¦ DiÕj oÙk ™pineÚei

mais la tête même de Zeus. Or la tête de Zeus ne donne pas de vain


yeÚdea ai qug£thr.

assentiment… […].


œrcet' 'Aqana…a nàn ¢trekšj· ¢ll¦ dšcesqe

Voici qu’arrive Athéna, à l’instant même ; allons, accueillez


t¦n qeÒn, ð kîrai, tðrgoj Ósaij mšletai,

la déesse, jeunes filles, vous toutes qui aimez Argos,


sÚn t' eÙagor…v sÚn t' eÜgmasi sÚn t' Ñloluga‹j.

avec des louanges, avec des prières, avec des clameurs.

ca‹re, qe£, k£deu d' ”Argeoj 'Inac…w.

Salut à toi, déesse, et veille sur Argos l’Inachienne.



ca‹re kaˆ ™xel£oisa, kaˆ ™j p£lin aâtij ™l£ssaij

Salut à toi, quand tu viens à nous, et quand tu ramènes


ppwj, kaˆ Danaîn kl©ron ¤panta s£w.

tes chevaux, salut à toi, et protège la terre de Danaos.


1 . Suivant les indications de M. Cahen, nous reproduisons ici l’agencement du texte qu’il propose, à savoir qu’il a interverti les deux distiques 61-62 et 63-64.

2 . v.94 : traduction Joseph Trabucco, in Œuvres de Callimaque, Paris, Librairie Garnier frères, p.37.

3 . v.128 : traduction empruntée à M. Cahen, op. cit., p.298.

4 . La traduction de M. Cahen identifie le porteur de l’épithète « Ages…lv » à Hadès, ce qui est confirmé par le lexicographe Hésychius, qui donne à l’entrée 469 de la lettre alpha de son Lexique : 'Ages…laoj· Ð PloÚtwn.

 
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